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LES GRANDS ENTRETIENS D’A&T. FOCUS SUR LA SECURITE.

En tant que Bureau d’études spécialisé dans les relations avec les Pouvoirs locaux, A&T Efficiency est amené à brasser un large panel de thématiques en relation avec l’action de terrain. A cette fin, nous engageons régulièrement le dialogue avec des professionnels pour faire avec eux le point sur une question stratégique qui mobilise des compétences à tous les niveaux.

Pour entamer cette série, nous avons choisi une dynamique ô combien transversale et stratégique – la sécurité – au travers du témoignage de Catherine Delcourt, Commissaire d’arrondissement et candidate au scrutin du 9 juin prochain. Quel regard pose-t-elle sur l’évolution des différents métiers impliqués ? Quels sont les défis à relever ? Pourquoi investir dans nos politiques de sécurité ? Autant de questions, et bien d’autres, qui ont été abordées sans langue de bois.

La sécurité concerne la technique, mais surtout l’humain

En assistant à un événement sportif ou culturel, on est souvent bien loin d’imaginer les ressources qui ont été mobilisées en amont pour en assurer la sécurité. L’analyse de risque est, en effet, un point essentiel pour que les autorités marquent leur accord. Les professionnels des différentes disciplines disposent chacun de leurs propres techniques et référentiels pour analyser chaque dossier … dans le meilleur des cas.

Car ces dernières années ont été marquées par de nombreuses crises, de la pandémie aux attentats, en passant par les inondations désastreuses de 2021.

« Nous n’avons pas toujours le temps ni les éléments pour tout analyser, il faut agir rapidement. Le pire n’est pas la mauvaise décision mais l’absence de décision. »

Catherine Delcourt

Et c’est là que l’humain intervient. L’urgence est de délimiter le périmètre d’action, mobiliser les ressources nécessaires et avancer dans l’intérêt général : il faut arrêter de parler et agir. En ce sens, les situations de crises évoquées par Catherine Delcourt ont été riches d’enseignements pour elle comme pour tous les acteurs concernés, et leur évaluation a abouti à des avancées soulignées par notre interlocutrice, comme la mise en place du Livre blanc sur la gestion de crise et le développement du nouvel outil Paragon.

Mais le travail n’est pas fini : c’est ce que, souligne Catherine Delcourt, les recommandations du Livre blanc n’ont pas encore été concrétisées en action législative !

Le travail des acteurs de terrain, en première ligne pour répondre aux urgences, gagnerait également à bénéficier d’une véritable codification de toutes les procédures applicables, estime Catherine Delcourt, une codification qui doit être pensée et rédigée pour être directement compréhensible et applicable, précisément quand le temps manque. Car, quand on a les pieds dans l’eau ou dans la boue, c’est le « comment » qui est important.

« Derrière la technique, les procédures, il y a l’humain. »

Catherine Delcourt

L’importance de l’échelon local, de la première ligne : « Sur le terrain, les zones de police, mandataires et PlanU charbonnent ».

La première ligne et sa capacité de réaction sont donc essentielles.

Or, ces dernières années, le renforcement des moyens a surtout bénéficié au niveau fédéral, estime notre interlocutrice, avec notamment le centre national de crise. Par contre, le local (Zones de police, PlanU, etc.) doit continuer, selon Catherine Delcourt, à se débrouiller avec les moyens du bord. Or, sur le terrain, les différents acteurs « se dépensent sans compter ».

« Quel niveau de protection voulons-nous » ?

C’est une question évidente, que souhaite mettre Catherine Delcourt en avant. En effet, de cette question, découle nécessairement la réflexion sur les moyens à mettre en œuvre! Et Catherine Delcourt de plaider pour des approches, en matière de sécurité comme dans d’autres politiques, qui seraient bien davantage qu’aujourd’hui basées sur des analyses risques – bénéfices : « Qu’est-ce que cela coûte si on ne fait rien ? » est, selon elle, une question qui n’est que trop rarement posée dans la conception d’une politique publique.

Très inquiète de l’emprise grandissante de la drogue

Notre discussion balaie de nombreux sujets ! On sent Catherine Delcourt sincèrement soucieuse de voir nos autorités – au travers des niveaux de pouvoirs entre lesquels les compétences sont de plus en plus éclatées, regrette-t-elle – renforcer l’aide médicale urgente, la médecine préventive comme autant de moyens de première ligne pour renforcer la cohésion sociale et lutter contre le décrochement de certaines personnes, voire de populations entières.

Un sujet qui trouve notre interlocutrice du jour particulièrement concernée, c’est celui de l’ampleur prise par la drogue dans toutes les sphères de notre société.

« L’argent et le produit pourrissent tout », résume Catherine Delcourt, qui plaide à nouveau pour une approche beaucoup plus intégrative – et dotée de moyens – qu’elle ne l’est aujourd’hui ! « Il faut », martèle-t-elle, « enrayer le trafic et l’empêcher à tout prix d’imprégner les rouages du fonctionnement sain et démocratique de notre société ». Le message est clair, la volonté l’est tout autant !

Et Madame Delcourt d’en appeler aussi à allouer les bons moyens (humains et financiers) aux bons endroits : ainsi, pour elle, à côté de la prévention, et à côté de l’approche policière au sens strict, il est également nécessaire de déployer d’autres approches comme les sanctions administratives communales mais aussi le levier « approche administrative des phénomènes de criminalité », difficile à activer mais prometteur.

Le blues du mandataire ?

Nous tenions à avoir le sentiment de Catherine Delcourt, qui connaît par cœur le travail des mandataires de proximité, sur une réalité que beaucoup d’entre eux dénoncent aujourd’hui comme difficile à vivre : celle de la pression constante et surtout de l’insulte omniprésente sur les réseaux, mais aussi du manque de moyens ou parfois simplement de reconnaissance de la part des autorités de tutelle…

Et Catherine Delcourt d’abonder sur la difficulté et l’exigence que représente aujourd’hui le fait d’être actif dans un mandat de proximité, notamment au vu de la violence des réseaux. « Derrière la fonction, il y a l’humain et sa famille », insiste-t-elle. « Il faut protéger et accompagner les personnes qui s’engagent, qui y croient encore ! ».

L’art de la gestion de crise : « Le collectif est essentiel, cela sauve des vies »

Ce partage d’expériences aura été riche en enseignements, pour nous, sur l’exigence et l’approche pragmatique nécessaires à la gestion des crises. Des procédures au terrain, du matériel à l’humain, la synthèse n’est pas simple mais les professionnels ont développé une pratique qui leur permet d’agir collectivement, rapidement et efficacement.

Forte de son expertise, Catherine Delcourt fait l’éloge de cette approche pragmatique dans laquelle il est plus important d’agir que de parler.

Alors qu’elle se tourne vers la politique – domaine dans lequel la crise n’est pas rare – se pose la question de savoir si cette approche est transposable. Gageons que les prochains mois seront, là aussi, riches d’enseignements en la matière.

Nous lui souhaitons, à l’aube de cet important moment pour elle comme pour notre démocratie, tout le succès qu’elle mérite ! Merci encore, Catherine, de nous avoir consacré de ton temps et d’avoir partagé ton expérience et l’intensité de ton engagement avec ce naturel et cette force qui te caractérisent !